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Pascal Nobécourt écrit avec les mots de tous les jours, des mots simples, mais avec ces mots, il nous percute. Fils de banlieue, un livre poignant qui nous montre sans détours les terribles réalités de la vie dans le cœur de nos cités. Combien sommes-nous, comme l’auteur, à avoir eu une mère autoritaire rongée par le souci du bien-faire et un père absent qui ne sait pas dire ‘’je t’aime’’ ? Pour beaucoup d’entre nous, on ne peut que se reconnaître dans l’histoire du petit Pascal. Avec brio, il a su mettre en mots nos souffrances, nos frustrations, nos déceptions, notre solitude… Ce que nous n’avons pu et su formuler, il l’écrit pour nous avec plein de délicatesse et de justesse et ça fait du bien ! Il y a quelque chose de l’ordre de l’universel dans tout ce qui est livré là. Ce qui perd nos jeunes c’est de vivre dans l’univers confiné de la cité. Nous sommes bien souvent le produit de notre environnement. Je ne peux qu’être sensible à son témoignage puisque la banlieue a tué mon petit frère.

 

Fils de banlieue analyse avec finesse la perversité de notre système social insensé. L’auteur analyse avec lucidité les mécanismes mis en place par des politiques peu soucieux de l’humain. La machine sociale désespère et tue psychiquement des millions de personnes, les murant dans de véritables Ghettos devenant des lieux de misère humaine… C’est certain, ce système est pervers. D’un côté, il défend la famille, mettant celle-ci comme socle de toute la société mais dans le même temps, cette société pulvérise la famille… Où est la famille, quand les parents partent au travail à huit heures, déposent leurs enfants à 8h30 à l’école et rentrent le soir ‘’crevés’’ vers 18 heures, en récupérant leurs petits au passage ? Il y a des pères qui rentrent parfois quand les enfants dorment. Il y a des familles qui ne se voient presque plus, complètement séparées par un quotidien sans sens. Et les grands-parents, soit ils sont restés à la campagne, loin de la ville, loin de leurs petits, soit ils sont dans des hospices ou maisons du quatrième âge, parqués, isolés de tout.

 

Je connais un couple, lui est plombier, elle, infirmière… Elle travaille souvent de nuit et lui tous les jours, il part tôt et rentre tard. Comme ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts, lui fait du ‘’black’’ les week-ends. Ils se croisent, voilà leur vie… Et les enfants lui, il ne les voit jamais. La famille ? Le socle de notre société ? Comment nos politiques peuvent dire qu’ils font tout pour protéger la famille alors que le système qu’ils défendent la désintègre. ‘’Papaoutai’’ ? nous chante Stromaé…

Papa où t’es, maman m’aimes-tu ? Êtes-vous là, présents, avec nous ? Les écoles sont devenues des garderies et des machines à formater. Où sont le vivre ensemble, l’émerveillement du monde partagé, l’apprentissage en tendresse ? La famille ? Quelle famille ? Il n’y a pas de famille, c’est un leurre, une illusion.

Avec tout ça, comment devenir homme, ou femme ? Comme être père, être mère ? Comme cela est difficile, quand tout est miné par l’urgence, l’indifférence, la violence et la peur. Quand les codes, les règles, les valeurs ont oublié l’amour et l’empathie, la présence et la bienveillance, comment ne pas sombrer ?

 

Pascal nous attendrit quand il nous fait vivre ses vacances avec ses grands-parents, cela nous renvoie à un monde d’une autre époque, celle de Michel Simon chantant ‘’Vive le pinard’’… Extrait du film « Le Vieil Homme et l'Enfant ». L’auteur nous fait vivre ce grand écart entre la France rurale des campagnes et celle de la banlieue, des cités dortoirs entourant la ville. Sans rien cacher, il nous dévoile la violence de sa banlieue, il sait mettre les mots qu’il faut pour dire l’incohérence, l’imprévisible. Il nous parle de la folie des hommes, nous la décrit sans voyeurisme. On ne peut que constater le tragique… Et que dire ? Comment juger ? Et le livre nous ouvre les portes de ces Ghettos, véritables machines à produire des terroristes en tout genre. Et entre les lignes, on entend Pascal pleurer doucement. Son livre nous transperce l’âme car il nous invite nous aussi à travers notre propre histoire à pardonner, celles et ceux qui nous ont maltraités. Mais le plus dur est de se pardonner à soi-même et l’on sent que Pascal en écrivant ce livre nous avoue sa difficulté à le faire totalement. C’est un livre plein de sincérité, d’une transparence désarmante, qui nous donne aussi des clés, des solutions possibles pour en finir avec ces endroits de misère. Pascal est un être rare, doté d’une sensibilité à fleur de peau, engagé dans sa quête de justesse et de profondeur. ‘’Fils de banlieue’’ est un livre poignant, qui nous éclaire, nous apprend, nous fait comprendre. Puisse-t-il inspirer les hommes. Je dis les hommes et non les politiques, car de ce problème des banlieues, nous sommes tous concernés parce que nous en sommes tous responsables.

 

Marc Vella

Le pianiste nomade

 

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